Suite à notre article sur le cinéma Comœdia, nous revenons sur l'affaire qui a opposé le cinéma le Méliès à MK2.
Pour résumer, MK2 a déposé un recours afin d'empêcher le développement et la rénovation du cinéma d'Art et Essai le Méliès possédé par la ville de Montreuil. Le climat s'est largement dégradé lorsque MK2 a porté plainte pour injure publique à l'encontre des auteurs d’une campagne pour la défense du Méliès et en particulier d'une publicité mettant en cause MK2.
Requin contre poisson rouge
La publicité incriminée, pour laquelle Montreuil dépêche hebdo, L’Humanité et 20 minutes sont également attaqués, met en scène un requin (MK2) s’apprêtant à manger un poisson rouge (Le Méliès). Elle dénonçait le blocage par MK2 du projet d’extension du cinéma municipal de trois à six salles.
Marin Karmitz (fondateur de MK2) s’est dit très choqué, d’être “transformé en requin après avoir œuvré pendant quarante ans pour le cinéma et pour la diversité”, estimant que l’extension du Méliès, financée avec l’argent public, est elle-même une atteinte au pluralisme. La direction du Méliès a répondu hier que sa programmation était très différente de celle du MK2 Nation, son concurrent présumé.
Tensions dans le monde du cinéma
Cet incident témoigne de la tension actuelle qui sévit dans le milieu du cinéma, des raisons économiques amenant des oppositions farouches entre passionnés du septième art. Voici les communiqués des deux protagonistes :
Communiqué de l'association Renc'Art
"L'association Renc'Art au Méliès, dont le but, selon ses statuts, est de « contribuer à promouvoir un cinéma de qualité et de réflexion, source de connaissances, de plaisirs et de distractions auprès de l'ensemble de la population », s'insurge contre les recours en justice déposés cet été par UGC et MK2 pour barrer la route au projet d'extension du cinéma Georges Méliès, cinéma municipal, classé Art et Essai, à Montreuil.
Renc'Art au Méliès lance cette pétition pour exprimer notre refus du marché à tout prix et notre soutien aux valeurs culturelles et éducatives, en particulier dans le champ cinématographique.
La politique de programmation et d'animation du Méliès s'inscrit dans la continuité du travail accompli depuis la municipalisation. Ce transfert et cet agrandissement répondent à 4 raisons :
- S'adapter à la demande croissante des cinéphiles de Montreuil et de l'Est Parisien ; Montreuil, avec 100 000 habitants, est sous-équipé en salles de cinéma.
- Permettre une exposition plus longue de chaque film programmé.
- Faciliter l'accueil de tous les spectateurs, spécialement les handicapés, les malvoyants, les malentendants.
- S'ouvrir aux nouvelles technologies de diffusion, notamment le numérique.
UGC et MK2, ces deux mastodontes, qui concentrent 44% des écrans parisiens et 55% des entrées, ont décidé que le développement du Méliès constituait un viol des règles de la concurrence et un abus de position dominante. En outre, ils ont récusé la décision de la commission départementale d'équipement cinématographique qui a rendu, à l'unanimité, un avis favorable sur ce projet.
Le président d'UGC estime que le Méliès pourrait faire perdre 46 000 entrées sur ses 2 300 000 entrées annuelles à l'UGC Ciné Cité de Rosny II. M. Marin Karmitz, MK2, producteur, distributeur, éditeur, n'a, quant à lui, jamais voulu s'implanter en banlieue ; il s'est néanmoins indigné qu' « au nom d'une soi-disant action culturelle (les salles Art & Essai !), on crée une activité privée avec de l'argent public ».
L'hostilité de UGC-MK2 à l'agrandissement du Méliès, pour exemplaire qu'elle soit, est symbolique d'un antagonisme profond entre leurs intérêts commerciaux et nos valeurs culturelles et éducatives. Ce conflit a pris désormais une dimension nationale. Les procédures entreprises par UGC-MK2 se multiplient dans l'hexagone. Les exploitants des salles indépendantes, municipales, associatives et privées, sont inquiets. Les cinéastes (plus de cent, dont 7 « Palmes d'or ») ont exprimé immédiatement leur soutien au projet d'extension du Méliès et leur attachement au réseau de salles Art & Essai.
Devant cette situation, Madame Christine Albanel, ministre de la Culture, s'est même exprimée sur le fond du dossier en déclarant le 20 octobre: « A mon sens, le Méliès n'est pas en concurrence avec ces groupes. »
Au-delà du Méliès, devenu l'étendard de ce combat contre le désir hégémonique des grands circuits, ces recours révèlent leur détermination à détruire le statut même des cinémas d'Art & Essai en France en s'attaquant aux aides publiques (municipales et nationales) qui soutiennent leur travail. Sans ces salles, en effet, où trouver des séances consacrées à l'éducation, au patrimoine, à la recherche, à la découverte, au jeune public, aux premiers films, aux documentaires ?
Il ne saurait y avoir de diversité des oeuvres sans diversité des salles."
Communiqué de MK2
" Depuis quelques mois, la tension entre grands et petits du cinéma parisien est montée d’un cran. Le 13 juillet dernier, mk2 dépose un recours contre le projet d’extension du Méliès, cinéma municipal de Montreuil. TroisCouleurs publie un texte de MK2 expliquant les raisons de son recours, ainsi qu’un communiqué du réseau de salles ISF (Indépendants, Solidaires et Fédérés) rejoignant sa position.
Le 13 juillet dernier, nous avons déposé un recours contre l’autorisation accordée à la ville de Montreuil de créer six salles en remplacement des trois salles du cinéma Georges Méliès. Un tel recours peut être déposé par tout organisme directement concerné par l’implantation d’un projet dans sa zone de chalandise, devant le tribunal administratif. Il ne met pas fin, en soi, au projet mais pose la question de sa légalité et permet d’ouvrir le débat pour soulever un certain nombre de problématiques.
Nous déplorons la transformation d’un cinéma de quartier de trois salles en un complexe de six salles, dont la construction et la gestion sont intégralement financées par des fonds publics. Le Méliès, propriété exclusive de la municipalité de Montreuil, n’est soumis ni aux contraintes d’exploitation ni aux contraintes de rentabilité des autres cinémas. Ce statut lui permet de déroger aux règles de concurrence normale en proposant des tarifs impraticables par les autres cinémas. S’ils s’alignaient sur les tarifs proposés par le Méliès, ces cinémas, dont nous faisons partie, ne pourraient couvrir leurs frais de fonctionnement et maintenir un niveau de rémunération suffisant pour les auteurs.
Cette liberté commerciale, associée au projet d’extension, menace directement nos cinémas MK2 Nation et MK2 Gambetta, situés à moins de sept minutes en transports en commun du Méliès. Sans chercher à nous poser en victimes, nous souhaitons simplement informer les spectateurs qu’une baisse de seulement 10 % des entrées du MK2 Nation et du MK2 Gambetta mettra en question la survie économique de ces salles de quartier, à travers lesquelles nous réalisons un véritable travail de proximité depuis presque dix ans.
Ce problème, qui oppose les salles subventionnées aux salles indépendantes non subventionnées, n’est pas uniquement d’ordre local, mais d’ordre national. Le réseau de cinémas indépendants d’art et d’essai Utopia, dont le travail est unanimement reconnu par la profession, fait face aux mêmes problématiques dans différentes villes de France. Ils nous ont apporté leur soutien par le biais d’un communiqué diffusé par l’association ISF (Indépendants, Solidaires et Fédérés, publié ci-dessous).
Nous avons été très choqués, ainsi que l'ensemble de nos collaborateurs, par la virulence et l'inexactitude des attaques qui nous ont été portées dans la profession et dans les médias suite au dépôt de ce recours. En matière d’exploitation, depuis trente ans, nous avons été précurseurs dans de nombreux domaines : pour l’implantation de salles dans les arrondissements délaissés par le cinéma, pour le travail de proximité dans les quartiers, pour la version originale, les séances découvertes, les cycles pour les enfants...
En tant que spectateur, vous êtes notre seul juge, c’est pourquoi nous avons souhaité vous soumettre les raisons de notre démarche. Nous vous remercions de continuer à être exigeant vis-à-vis de ce que nous accomplissons. C’est vous qui nous poussez chaque jour à améliorer la qualité de notre travail, à défendre une autre idée du cinéma."
source : metrofrance.com - www.rencartaumelies.fr - www.mk2.com/forum
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Unknown says:
PEtit commentaire tardif :
1- Marin Karmitz, comment passer du cinéma militant à l'emprie MK2 en écrasant tout sur son passage.
2- Comment depuis quinze ans le niveau d'exigence baisse sans arrêt pour n'arriver qu'à deux salles qui pousse les expérimentation du début : Beaubourg et Hautefeuille encore un peu.
3- Comment être hypocrite alors que la politique de MK2 s'apprioche de celle de UGC, coïncidence ???
4- Comment être hypocrite alors que le travail des salles associatives et municipales est de l'ordre de l'éducation à l'image et de l'action culturelle, en service public, mais cela MK2 ne peut mêm pas en rêver, trop enfoncé dans son libéralisme économique qui étouffe la liberté de rêver.
5- Pour preuve vous trouverez étrange, n'est-ce pas que comme les grands circuits, les multiplexe, UGC...MK2 fasse payer, paraît-il, les bande annonce de films que MK2 va passer, alors que les cinémas associatifs et municipaux jamais ?????
6- Vous trouverez aussi une explication très clair du monde entre ces différentes façons de donner du cinéma aux gens dans un texte de François Aymé : "EXPLOITATION CINEMATOGRAPHIQUE :
LES SALLES MUNICIPALES, BOUCS EMISSAIRES DE L’IMPREVOYANCE DES
CIRCUITS
Pour le spectateur lambda, il y a sans doute quelque étonnement et
incompréhension à assister aux récentes attaques d’UGC, (rallié par MK2 et
le réseau Utopia), contre quelques cinémas dits municipaux (Le Méliès à
Montreuil, le Comedia à Lyon) accusés de concurrence déloyale. On aurait
tort de ne voir dans cet affrontement juridico-médiatique qu’un conflit
d’intérêt localisé. Il s’agit d’une mise en cause claire de l’intervention
publique des collectivités territoriales dans le domaine de l’exploitation
cinématographique. Lesquelles collectivités représentent pourtant un
véritable pilier du secteur. La première et vraie question à se poser est sans
doute la suivante : Pourquoi, après 23 ans de coexistence pacifique entre
les cinémas privés et les cinémas dits municipaux, pourquoi y a-t-il
AUJOURD’HUI une déclaration de guerre d’une partie de ces premiers
contre une partie de ces derniers ?
Premier point essentiel : le système d'exploitation des salles de cinéma est
de moins en moins rentable, pour ne pas dire plus. Certes, la fréquentation
est à un niveau assez élevé si on la compare aux dix dernières années. Mais
les circuits et les indépendants ont consenti de gros investissements. En 12
ans, le parc a été complètement transformé : les 146 multiplexes construits
pendant la période (soit 7% des lieux) réalisent 55% des recettes. UGC et
autres circuits ont cru qu'il suffirait de faire de belles et bonnes salles de
cinéma. Or, cela ne suffit pas. Encore faut-il qu'il y ait du désir pour un film
et pour la sortie au cinéma. Qu'à cela ne tienne, UGC a cru avoir trouvé la
parade avec la carte "Illimité". Mais même cette formule a montré ses
limites. La société s'est transformée et les comportements de loisirs ont été
bouleversés : apparition du DVD, développement éclair du téléphone
portable, d'internet et du haut débit. Aujourd'hui, quel adolescent
renoncerait à son abonnement téléphonique de 30€ avec 3h de
communication mensuelle pour acheter une Carte cinéma Illimité à 19,80€
par mois ? La réponse est simple : aucun. Les statistiques du Centre
National du Cinéma sont cruelles : la part des 15-24 ans dans les entrées en
salles est passée de 56% en 1980 à 27% en 2006 ; dans le même temps, la
part des plus de 50 ans dans les entrées en salles est passée de 7,3% en 1980
à 31,7% ! Face à un vieillissement caractérisé du public, les opérateurs ont
investi dans des multiplexes tout spécialement dédiés au public jeune (avec
confiseries, jeux vidéo..). Erreur stratégique fatale. Et l'on veut remettre en
cause la viabilité des cinémas de proximité : contresens total.
146 MULTIPLEXES POUR DES JEUNES QUI PREFERENT INTERNET ET LEUR
PORTABLE
De plus, face à ces changements considérables de comportement,
l'exploitation en France campe sur son modèle vieux de 40 ans : on sort les
films à la douzaine chaque semaine, à raison de 5 séances par jour, et 10
d'entre eux vont à la trappe la semaine suivante. Un véritable carnage
culturel hebdomadaire. On ne se soucie guère ni d'éducation au cinéma (les
ciné-clubs qui ont forgé des générations de spectateurs n'ont pas été
franchement remplacés), on évite de se poser la question de la formation
culturelle du personnel des salles de cinéma, et enfin on se garde
soigneusement d'essayer de nouvelles formes d'animation, de
communication. Bien sûr, je parle ici du modèle dominant, il y a fort
heureusement des exceptions.
Aujourd'hui, quel est le taux de remplissage moyen d'une salle de cinéma ?
Allez dites un chiffre : 50% ? 40% ? 30% ? Non, il est seulement de 15% (30
spectateurs en moyenne par séance dans une salle de 200 places -
statistiques CNC octobre 2007) ! Vous aurez noté que personne (ni la
Fédération des Cinémas Français, ni la presse professionnelle, ni la presse
nationale) ne communique sur ce chiffre. Cela traduit une incapacité à
regarder la situation en face. Et donc du coup, à prendre véritablement les
mesures qui s'imposent. Face à cette situation préoccupante : « A qui la
faute ? » Selon UGC, MK2 ou Utopia, ce sont tout simplement les salles «
dites » municipales qui feraient de l'ombre aux salles privées ! Les salles
municipales seraient responsables des erreurs stratégiques des circuits, du
suréquipement de certaines agglomérations, de leur cécité quant aux
changements culturels et générationnels chez le public, de leur manque de
prospective...
LES 1077 CINEMAS MUNCIPAUX ET ASSOCIATIFS = 8% DU MARCHÉ
Il est sans doute bon ici de donner quelques repères : parmi les 2006
cinémas de France, 707 sont gérés par une association, 370 en direct par
une ville. Les 370 cinémas municipaux (18% des lieux) totalisent 1,9% des
recettes, c'est dire s'ils mettent en péril le secteur !!! Les cinémas
associatifs (35% du parc tout de même) totalisent 6,1% des recettes. On le
voit, ce véritable maillage culturel est énorme par sa densité (53% des sites,
1 000 cinémas sur tout le territoire) mais est extrêmement minoritaire par
son importance économique (8% du marché). La raison en est simple : ces
salles sont situées là où le privé n'a pas voulu s'installer : les zones rurales et
les villes de banlieue.
Nous l'affirmons ici clairement : UGC, de manière concertée avec MK2 et
Utopia, a mis en marche une remise en cause de la légitimité culturelle du
cinéma et de la répartition des missions et des moyens de chacun. Le
scénario est limpide.
Mai 2007. Cannes. Jean Labé, Président de la Fédération Nationale des
Cinémas Français, interpelle les pouvoirs publics en leur demandant si le
cinéma relève bien de la Culture ou bien de l'Industrie et du Commerce.
Question inimaginable 15 jours auparavant.
Septembre 2007. UGC change sa formule de carte illimitée, et est rejoint
par MK2. Le groupe attaque (par recours juridique) le projet du Méliès à
Montreuil et celui du Comedia à Lyon, qui sont pourtant passés de manière
satisfaisante devant les différentes commissions.
Septembre encore. Le Ministère de la Culture annonce la création d'une
commission pour étudier les règles de concurrence dans l'exploitation. Une
première ! Octobre 2007. L 'ensemble du Congrès des exploitants à Deauville
tourne autour du “mauvais comportement des salles municipales”.
Novembre 2007. Utopia appelle à un “Grenelle de l'exploitation” laissant
entendre que les cinémas municipaux manquent à leurs devoirs. Que va-t-il
se passer ensuite ? Il y a fort à parier que la Commission consacrée à la
concurrence attendra que les élections municipales soient passées pour
dérouler, en mai 2008 à Cannes, une nouvelle grille de fonctionnement que
l'on peut aisément prévoir : fin des sorties nationales et de l'accès aux films
porteurs "grand public" et "Art et Essai" pour les salles de proximité en zone
de concurrence. Comme UGC considère que sa zone concurrentielle est de
50km autour de ses multiplexes, il risque de ne pas y avoir beaucoup de
cinémas non concernés. Cela signifie, dans la foulée, une baisse drastique
des entrées pour les cinémas de proximité, avec effet boule de neige :
baisse de personnel, du nombre de séances et fermeture dans un grand
nombre de cas.
Que UGC et MK2 défendent leurs intérêts commerciaux et qu'ils y mettent
beaucoup d'ardeur, quelque part quoi de plus logique ? Mais,même si
Christine Albanel a donné raison à Montreuil dans son conflit avec UGC, et
même si Véronique Cayla (DG du Centre National du Cinéma) a valorisé le
travail des indépendants à Deauville, la réserve des pouvoirs publics et des
élus, la méconnaissance du problème par la presse généraliste ainsi que la
complaisance de certains supports (Film Français, Ecran Total, Télérama)
ont de quoi inquiéter. Mais, ce qui est plus déstabilisant encore, c'est que
Utopia, dont l'image auprès des médias et des institutions est très influente,
se comporte comme un aveugle complice.
C’EST TOUT LE CINEMA QUI EST SUBVENTIONNÉ
Pour le néophyte, il est bon d’expliquer que TOUT l’argumentaire d’UGCMK2
et Utopia est bâti sur un sophisme ravageur : cinéma municipal =
cinéma subventionné. Ce qui tendrait à dire que les cinémas non
municipaux ne sont pas subventionnés, ce qui est rigoureusement faux. Via
le fonds de soutien automatique, sélectif, via les primes Art et Essai, via
l'aide au tirage des copies, via l'aide sélective à la distribution, via l'avance
sur recettes, c'est tout simplement tout le secteur qui est subventionné.
Sauf que, pour Utopia comme pour UGC et la Fédération Nationale des
Cinémas Français, les subventions ministérielles sont « propres », légitimes,
faisant partie intégrante du système depuis belle lurette. D'ailleurs, on ne
les nomme pas “subventions” mais “aides”, superbe hypocrisie d'une partie
du secteur privé qui veut bien toucher de l'argent public mais surtout sans le
dire. Alors que les subventions municipales, elles, relèveraient du pur
arbitraire et de la concurrence déloyale !!! L’autre présupposé erroné de ce
sophisme est qu'une association qui reçoit des subventions est forcément
riche comme Crésus, alors que c'est tout le contraire. De nombreux cinémas
de proximité fonctionnent avec des contrats aidés, des bénévoles et des
subventions minimalistes, voire pas de subvention du tout.
L’autre argument utilisé par UGC est que les salles municipales sont
coupables d’une concurrence déloyale en raison de leurs prix très bas. On
répondra que les tarifs sont libres en France, que ces prix bas sont souvent
la conséquence d’un suréquipement des grandes agglomérations (l’exemple
de Bordeaux avec 4 multiplexes et les prix les plus bas des grandes villes de
province est particulièrement éloquent), que les salles municipales sont
bien souvent dans des zones sociales moins favorisées et qu’elles
développent un travail auprès des scolaires, des centres sociaux qui, de fait,
ont une incidence sur la baisse des prix moyens. De plus, UGC qui critique
ses concurrents pour concurrence déloyale sur les prix bas, c’est un peu la
poêle qui se fiche du chaudron. Explication : UGC vend des cartes de cinéma
illimité à 19,80€ par mois. Afin de satisfaire les ayants-droits (distributeurproducteur)
qui sont rémunérés au pourcentage des recettes, UGC délivre
un billet au tarif ARBITRAIRE (au sens où il ne correspond pas à ce qui a été
encaissé) de 5€. C’est ce qu’il déclare au Centre national de la
Cinématographie, soit un tarif tout à fait correct. Oui mais si l’abonné de la
carte UGC vient en moyenne au cinéma 5 fois par mois (c’est le cas
naturellement pour une grande partie d’entre eux), pour ces derniers, le
coût REEL de la place aura été de 4€, c’est-à-dire un tarif très bas, mais qui
n’apparaît sur aucune déclaration au Centre national du cinéma. Un tarif
très bas ni vu ni connu.
Au bout du compte, UGC, MK2 et Utopia prônent une exploitation avec 3
modèles.
Un modèle dominant : le multiplexe qui peine à se rentabiliser et à qui il
faut laisser le champ libre (accès aux films prioritaires, plus de concurrence
sur les tarifs pour pouvoir remonter les prix ou baisser le montant des
reversements aux ayants-droits c’est comme on voudra). Soit 150 cinémas.
Un modèle “rescapé” : le cinéma 100% Art et Essai des grandes
agglomérations (UTOPIA), allié de circonstance qui permet d’amadouer le
Centre national de la cinématographie (les lieux culturels les plus
emblématiques sont préservés, ouf !) et les distributeurs (car ces cinémas
représentent un enjeu économique capital pour les films Art et essai). Soit
une cinquantaine de lieux.
Et enfin le modèle municipal, que l’on voudrait soit généraliste et “perdu au
fin fond des campagnes”, soit assez urbain mais ultrasubventionné (ou bien
condamné à la fermeture), relégué en 2°, 3° ou 4° semaine pour l’accès
aux films (comme au bon vieux temps des années 70) et cantonné très
majoritairement à l’art et essai non porteur (c’est-à-dire sans Almodovar,
Woody Allen ou Ken Loach). Vous aurez compris que ce 3° modèle concerne
les 1800 cinémas restants.
LA REMISE EN CAUSE DU MODÈLE FRANCAIS CITÉ EN EXEMPLE DANS LE
MONDE ENTIER
UGC - MK2 - Utopia n’ont pas compris que le bien le plus précieux, c’était le
public. Pour l’entretenir et le développer, il faut s’investir dans les actions
de formation du personnel (contrairement aux autres secteurs culturels, on
peut en France diriger un cinéma sans aucune formation, ni culture
générale), dans l’éducation au cinéma, dans le développement de nouvelles
formes de communication et d’animation. UGC-MK2-Utopia ont visiblement
oublié dans leur raisonnement, qu’affaiblir les 1000 salles municipales, ce
serait fatalement affaiblir également les sociétés de distribution
spécialisées dans l’Art et essai, le jeune public et les films familiaux
(autrement dit tous les distributeurs), mais affaiblir aussi le fond de
soutien, système mutualisé qui sert TOUS LES MAILLONS de la chaîne
cinématographique. Ainsi, il n’aura pas échappé aux professionnels que les
grands succès de l’année qui sont les locomotives de l’industrie
cinématographique enregistrent des coefficients Paris-province hors normes
(supérieurs à 7 quand il est généralement de 3). Ce qui signifie qu’ils
doivent la majeure partie de leurs succès aux petites salles.
En conclusion, la guerre qui vient d'être déclarée par UGC, MK2 et Utopia,
avec un assentiment tacite de la Fédération des Cinémas Français ainsi
qu'une intervention assez réservée des pouvoirs publics et des distributeurs,
est tout simplement la remise en cause d'un système qui a pourtant fait ses
preuves et qui est cité en modèle dans le monde entier. Si, au nom de la
libre concurrence, la règle de l'exception culturelle, l’intérêt social et
urbain des cinémas sont remis en question pour l'exploitation
cinématographique de proximité, alors c'est un millier de lieux
cinématographiques, ouverts tous les jours, dans 1 000 communes de
France, qui sont menacés. Hara-Kiri en somme.
François Aymé, Directeur du Cinéma Jean- Eustache - Pessac
N.B. sources statistitiques : « Geographie du cinéma » (oct. 2007)
Centre Nat. de la Cinématographie.
Article (dans sa version intégrale) à télécharger sur le site du cinéma :
www.webeustache.com
Réactions à cet article, à adresser à : ayme.festival.pessac@wanadoo.fr
NB. : Le cinéma Jean-Eustache (5 salles Art et essai) appartient à la Ville de
Pessac.
Il est géré par une association loi 1901.
Il assure la mission de Pôle régional d'éducation artistique et de formation
au cinéma en Aquitaine (coordination de Ecole et cinéma en Gironde,
Lycéens au cinéma en Aquitaine, Passeurs d'images en Aquitaine)."
Period.
5 décembre 2008 à 09:48